Grégory Schneider et la mort du football
La question de l’éventuelle mort du football n’obsède pour le moins pas les journalistes de sport. Difficile, il est vrai, de commenter et chroniquer ce sport en disant, dans un même souffle, qu’il va bientôt mourir... Les signes ne manquent pourtant pas de cette possible disparition voire, « au mieux », de sa défiguration radicale.
Et puis, tout cela au fond est-il si important ? L’un des meilleurs journalistes et connaisseurs de ce jeu, à qui je soumettais ce sujet me répondit : (si le foot mourait ) «
serait-ce si grave ?
» Peut-être bien que non.
L’Empire romain
a bien disparu, lui -plus lentement…-, alors pourquoi pas le foot ? J’ai beau aimer ce sport, son éventuelle agonie ne m’empêche pas de dormir.
Il ne s’agit pas que de la mort du foot…
Toutefois, il ne s’agit pas juste de foot, mais, bien plus largement et significativement, de la capacité des êtres humains à
préserver
ce qu’ils ont construit, mis au point, revu et corrigé, perfectionné au fil des siècles. Cela vaut pour ces villes étonnantes, pour ces inventions extraordinaires créées par l’homme et mises en grave danger par lui-même et notamment le
réchauffement climatique.
Serait-ce donc tellement grave si notre
planète
s’autodétruisait ? pourrait-on dire, sur le mode du journaliste plus haut évoqué à propos du foot. Peut-être que non. Nous sommes si peu de choses… Pourtant, ce n’est pas tant ici le résultat qui compte que la façon dont celui-ci (la destruction) a été causé. C’est bel et bien l’aptitude de l’être humain
à être à la hauteur de la situation, à trouver et mettre en œuvre des solutions adaptées qui est ici le vrai sujet.
Alors, ne pas laisser mourir la Terre et ne pas
laisser mourir le football,
même combat ? Toutes proportions gardées, oui. Nous l’avons dit plus haut, la mort possible du foot n’est que rarement traitée, frontalement, dans les médias, sinon, par exemple dans ce texte-ci, des
Cahiers du football
Grégory Schneider après Lyon-Marseille
C’est pourquoi les quelques lignes que
Grégory Schneider, journaliste à
Libération, a consacrées dans l’édition de ce quotidien du 23 novembre, sont importantes. Oh, c’est peu de choses, en apparence. A la suite du récent, court et pitoyable
Olympique Lyonnais-Olympique de Marseille, Schneider écrivit un article, «
OL-OM : après l’interruption, la com et la comédie ». Et il termine son texte ainsi : «
Dans quel secteur d’activité le salarié s’exécute-t-il sous les insultes et les projectiles ? Ça existe où ? Ne serait-ce que l’envisager, c’est
enfoncer le foot six pieds sous terre
». Remarquable.
Pour nous,
Grégory Schneider
est, avec
Jérôme Latta, le meilleur journaliste de football de France. Ses analyses, ses contacts multiples avec le monde du foot et ses acteurs, sa présence sur le terrain, la qualité de sa plume, son appréciation des joueurs et son extrême pertinence font aimer ce sport (qui a désespérément besoin de cet amour vrai) ainsi qu’une
profession de journaliste
qui court derrière son public et sa crédibilité.
En télévision, dans les émissions de
L’Equipe TV ,
il est moins bon. Non pas parce que la télé rend bête (quoique…), mais parce qu’il est là prisonnier du
dispositif et du syndrome de la
bande de copains obligatoires qui sévit lourdement sur ce type de chaîne. Impossible pour lui alors de développer ce talent qui crève les yeux quand on le lit.
Moralité :
lisons
! Lisons Schneider, lisons Libé
! Pour l’heure, cette évocation si pertinente du foot « enfoncé six pieds sous terre » suffit à notre bonheur, si l’on ose dire. On ne voit en effet pas comment le
premier sport mondial
pourra continuer à vivre si on laisse les spectateurs
jeter des bouteilles
sur la tête des joueurs -en l’occurrence celle de
Dimitri Payet- et gommer à la longue l’existence même des
corners, et tant qu’on y est de toutes les autres actions de jeu… et du football avec.
Si le premier sport du monde veut survivre, il doit regarder
sa mort en face. Or, à ce jour, il regarde ailleurs. Tant pis pour lui.
En attendant, merci Grégory.